Bien plus que des mots: Une histoire sur la croissance post-traumatique
Il y a plus de vingt ans, ma famille et moi avons échappé au génocide bosniaque et avons fui vers l’Allemagne. J'ai rapidement adopté la langue allemande à l'âge de six ans. J’ai été obligé de prendre de la maturité de manière accélérée puisque je suis devenu le traducteur par défaut de ma famille, celle-ci comptant souvent sur moi lors de rendez-vous chez le médecin ou pour remplir des demandes gouvernementales cruciales. Exprimer les besoins de ma famille avec un mélange de sang-froid, d'anxiété, de bonheur et de chagrin est devenu une partie de mon rôle familial. Après avoir quitté l'Allemagne, nous avons émigré au Canada et mon rôle que j’avais endossé auprès de ma famille immédiate s'est désormais étendu à mes proches. Il se poursuit encore aujourd'hui puisque j’ai appris l’anglais.
Au fil de ces expériences, j'ai resenti une passion et développé de l'empathie pour travailler avec des populations marginalisées qui sont confrontées à des défis, des obstacles et de la stigmatisation qui ont un impact négatif sur leur processus de rétablissement. J'ai vécu diverses situations personnelles et professionnelles qui ont contribué à ma compréhension de la langue, de la diversité et de l'oppression, notamment mes expériences personnelles de la guerre de Yougoslavie en 1992 qui a forcé ma famille à migrer vers un camp de réfugiés en Allemagne, et l’expérience d’un premier épisode psychotique au début de l’âge adulte.
Pendant la guerre de Bosnie, j'ai été témoin de violences et j'ai vécu la séparation forcée des membres de ma famille et de mes amis. Lorsque ma famille et moi avons été contraints de migrer vers un camp de réfugiés en Allemagne, notre camp était composé de personnes diverses et était entouré de barbelés, ce qui a contribué à notre exclusion sociale du reste de la société allemande. En tant que réfugiés, nous avons été confrontés à des facteurs de stress chroniques tels que la marginalisation et le statut de minorité, notre pécarité socio-économique, une mauvaise santé physique, la malnutrition, les traumatismes crâniens et les blessures, l'effondrement des soutiens sociaux, les préoccupations constantes concernant le bien-être des proches en Bosnie et les difficultés d'adaptation à la culture allemande. Notre résilience et nos mécanismes d’adaptation au sein de notre camp diversifié consistaient à échanger sur nos luttes et à nous soutenir pacifiquement et collectivement grâce à une compréhension mutuelle de ce que signifie être marginalisé et opprimé par le reste de la société. Ce sont ces expériences personnelles de marginalisation et d’oppression qui ont contribué à l’apparition de ma maladie psychotique au début de l’âge adulte. Vivre une maladie psychotique a été difficile en raison de la façon dont la société stigmatise cette maladie comme étant violente, dangereuse, folle et imprévisible, ce qui a contribué à mon auto-stigmatisation. Mon expérience personnelle et ma compréhension de la marginalisation et de l'oppression sociétales, en particulier en matière de santé mentale, m'ont motivé à lutter contre la stigmatisation en dévoilant ma propre histoire personnelle sous la forme d’un témoignage et de la narration. Passer à travers une série de défis tels que les facteurs contributifs, faire face à la stigmatisation, aux symptômes, à l'abus de substances et à la prévention des rechutes dans la psychose donne de l'espoir aux familles touchées, leur envoyant le message que le rétablissement est possible.
Je travaille actuellement pour le programme de psychose du London Health Sciences Centre (LHSC) dans un rôle de navigateur clinique ; le même programme qui m'a aidé à me rétablir en 2009. Sur le plan de l'expérience vécue et professionnelle du travail social, je suis un éducateur des patients, un militant et une personne de soutien pour le personnel et les patients qui peuvent bénéficier de mon expérience de m’être retrouvé dans le système de santé. Je collabore avec une équipe interdisciplinaire qui comprend le personnel du LHSC et nos partenaires communautaires pour favoriser une transition fluide des patients tout au long du continuum de soins de santé. Au cours de la dernière décennie, j’ai été invité à prendre la parole dans diverses institutions telles que des écoles, des hôpitaux et des organismes communautaires pour m’ouvrir sur mon histoire de résistance, de résilience et de rétablissement.
Je travaille actuellement sur mon propre livre et film documentaire dans le but de réduire la stigmatisation liée à la psychose et d'encourager les autres à se dévoiler. Je siège également sur divers comités pour effectuer des changements au niveau systémique. Avant d'occuper le poste de navigateur clinique, j'ai travaillé à tous les niveaux des soins de santé, y compris les niveaux communautaire, privé et hospitalier.
Ces interactions m'ont permis de voir les récits de perte et de désespoir se transformer en récits d'espoir et de résilience, y compris le mien.

Vous pouvez en apprendre davantage sur mon expérience dans cette entrevue disponible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=6MN23We36uw&t=137s
[Note de l'éditrice : Irnes s'efforce toujours de réduire la stigmatisation liée à la santé mentale et encourage les autres à partager leur histoire. Il est disponible pour des podcasts, des entrevues média et écrits. Vous pouvez le contacter à : zeljkovicirnes@gmail.com]